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Jean H.Gagnon Avocat, Médiateur, Arbitre
Jean H.Gagnon
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Un récent jugement rendu le 10 mai dernier par la Cour du Québec (Division des petites créances) dans l’affaire Khalil c. Nordic Maintenance inc. (que vous pouvez lire en cliquant ici) ramène à l’avant-plan une question fort délicate pour tout franchiseur : Un nouveau franchisé est-il, au moment de contracter avec un franchiseur, un « consommateur » bénéficiant, à ce titre, des articles particuliers du Code civil du Québec touchant tout contrat conclu avec un consommateur et, encore plus, des dispositions de la Loi sur la protection du consommateur?

Dans cette affaire, un nouveau franchisé, M. Mohamed Khalil, demandait à la Cour du Québec (Division des petites créances) d’annuler un contrat de franchise qu’il avait conclu avec Nordic Maintenance inc. pour un service d’entretien d’édifices industriels et commerciaux en raison, selon M. Khalil, d’un vice de consentement causé par de fausses représentations qui lui auraient été faites par le franchiseur.

Khalil demandait aussi au tribunal de condamner ce franchiseur à lui payer des dommages au montant de 14 891,39$.

En réponse à cette demande, le franchiseur, Nordic Maintenance inc., a demandé à la Cour du Québec de rejeter le recours de son franchisé au motif que le contrat de franchise stipulait une clause d’arbitrage.

Or, bien que, à quelques exceptions près, les tribunaux québécois reconnaissent maintenant les clauses d’arbitrage et refusent d’entendre des recours soumis à une telle clause, il en va autrement pour les contrats assujettis à la Loi sur la protection du consommateur depuis l’ajout à cette loi, le 1er janvier 2016, de son article 11.1 qui interdit à un commerçant d’imposer, dans un contrat conclu avec un consommateur, l’obligation de soumettre un litige éventuel à l’arbitrage.

La validité de la clause d’arbitrage stipulée dans le contrat de franchise conclu entre Nordic Maintenance inc. et M. Khalil reposait donc sur la question de savoir si, au moment de négocier et de conclure ce contrat de franchise, ce nouveau franchisé était, ou non, un « consommateur » au sens de la Loi sur la protection du consommateur.

Voici la réponse à cette question formulée dans le jugement rendu par la Cour du Québec dans cette affaire :

« [27]    Si le Tribunal considérait le franchisé, une personne inexpérimentée qui décide de se lancer en affaires, comme un commerçant, l’article 229 L.p.c. deviendrait vide de sens contrairement aux principes d’interprétation qui commande que la loi parle toujours plutôt qu’elle ne donne aucun effet.

[28]    La L.p.c. est une loi réparatrice qui doit recevoir une interprétation large et libérale visant à rétablir le déséquilibre des forces, pouvoirs et savoirs entre le consommateur et le commerçant.

[29]    Cette loi vise à reconnaître des droits propres aux consommateurs, d’imposer des obligations spécifiques aux commerçants, de favoriser l’exercice des droits des consommateurs, de remédier à de possibles abus des commerçants et de procurer certains avantages aux consommateurs.

[30]    Une interprétation ayant le potentiel de supprimer de possibles abus subis par des consommateurs ne peut être mise de côté.

[31]    La jurisprudence a déjà reconnu qu’une personne physique qui contracte dans le but de se lancer en affaires est alors un consommateur protégé par cette Loi.

[32]    Le franchisé était un consommateur lors de la phase initiale d’investissement en vue de se lancer pour une première fois en affaires. Au début, il contracte afin de devenir commerçant : lors de la conclusion du contrat de franchise et du paiement de redevances forfaitaires fait à même son compte personnel d’ailleurs, le geste qu’il pose en est un de consommateur. »

Dans cette affaire, la Cour du Québec en est donc arrivée à la conclusion que M. Khalil était, au moment de signer sa convention de franchise, un « consommateur » au sens de la Loi sur la protection du consommateur; en conséquence, le juge a déclaré « interdite, nulle et sans effet la clause d’arbitrage incluse dans le contrat de franchise » et rejeté la requête en rejet déposée par Nordic Maintenance inc.

Évidemment, la conclusion par un tribunal à l’effet qu’un nouveau franchisé est un « consommateur » au sens de la Loi sur la protection du consommateur a plusieurs autres conséquences importantes pour tout franchiseur, dont celles découlant du fait que les dispositions de cette loi, dont plusieurs sont fort contraignantes pour tout commerçant, prévoient des protections importantes pour le consommateur.

Il s’agit donc là d’une question à suivre, surtout dans le contexte de petites ou de micro franchises où le franchisé est une personne physique (puisque, selon la Loi sur la protection du consommateur, un « consommateur » doit être une personne physique).

Jean H. Gagnon, Ad.E.
Avocat | Médiateur | Arbitre

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