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Jean H.Gagnon Avocat, Médiateur, Arbitre
Jean H.Gagnon
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Quelques jugements rendus au cours des derniers mois et des dernières années mentionnent que le fait pour un franchiseur de ne pas avoir remis un manuel d’exploitation à chaque franchisé constitue, sur le plan légal, un manquement aux obligations du franchiseur vis-à-vis ses franchisés.

J’en prends pour exemple le jugement rendu par la Cour supérieure du Québec le 20 avril dernier dans l’affaire Duchesneau c. Gestion Milsa inc. (que vous pouvez consulter en cliquant ici), ainsi que celui rendu par la Cour du Québec le 1er septembre dernier dans l’affaire Morales c. Ménage-Poly inc. (que vous pouvez aussi consulter en cliquant ici).

Dans chacune de ces affaires, le tribunal a conclu que le franchiseur avait manqué à ses obligations vis-à-vis son franchisé notamment en ne lui ayant pas fourni un véritable « manuel d’exploitation ».
Ceci soulève la question suivante : Tout franchiseur doit-il obligatoirement posséder, et remettre à ses franchisés, un manuel d’exploitation ?

Avec grand respect pour les quelques décisions judiciaires qui semblent indiquer que tel est le cas, je suis plutôt d’avis que non, sauf, évidemment, si le franchiseur a pris cet engagement par sa convention de franchise.

À mon humble avis, le manuel d’exploitation est un outil par lequel le franchiseur transmet à ses franchisés son savoir-faire et ses normes, règles et politiques. Plus exactement, c’est l’outil de référence traditionnellement utilisé à ces fins depuis le début du franchisage moderne.

Par contre, ce qui est vraiment important, voire fondamental, c’est que le franchiseur possède bien un véritable savoir-faire expérimenté ainsi que des outils permettant la transmission de ce savoir-faire à chaque franchisé, plutôt qu’un moyen particulier (tel un manuel d’exploitation) de permettre cette transmission.

Au chapitre des normes, règles et politiques, ce qui est essentiel est que les normes, les règles et les politiques du franchiseur soient clairement communiquées en temps opportun à chaque franchisé, mais, encore une fois, pas le moyen par lequel le franchiseur procède à cette communication.

D’ailleurs, dans certains domaines d’activités, tel le secteur des services professionnels, autant comme outil de transmission du savoir-faire du franchiseur que de moyen de communication des règles, normes et politiques d’un réseau de franchises, d’autres outils (tels des guides, des documents de référence et des modules de formation) peuvent s’avérer beaucoup plus adéquats qu’un manuel d’exploitation.

Avec les outils technologiques dont nous disposons aujourd’hui, il existe plusieurs autres moyens, dont certains sont d’ailleurs beaucoup plus conviviaux et pédagogiques que le seul manuel d’exploitation, pour bien transmettre aux franchisés le savoir-faire du franchiseur ainsi de bien leur communiquer en temps opportun les règles, les normes et les politiques du réseau.

L’on peut penser, entre autres, à des présentations ou à des modules (audio ou vidéo) conservés, et mis à jour régulièrement, sur une plateforme informatique accessible en tout temps aux franchisés ou, encore, à une bibliothèque de guides (écrits, audio et vidéo) traitant chacun d’un thème ou d’un sujet relatif à l’exploitation de l’entreprise franchisée auxquels chaque franchisé peut accéder en tout temps lorsqu’il en sent le besoin.

Encore une fois, l’essentiel n’est pas le moyen de transmission ou de communication, mais l’existence d’un véritable savoir-faire expérimenté détenu par le franchiseur et d’outils permettant au franchisé d’y accéder afin d’en bénéficier pour bien exploiter son entreprise.

Cependant, et c’est là où le bât blesse souvent (comme d’ailleurs dans les deux jugements auxquels je réfère ci-dessus), c’est lors de la rédaction de la convention de franchise.

Par exemple, si le franchiseur n’a pas encore de manuel d’exploitation complet ou, encore, s’il entend utiliser d’autres moyens qu’un manuel d’exploitation pour transmettre son savoir-faire et communiquer à ses franchisés les règles, normes et politiques de son réseau, sa convention de franchise devra refléter cette situation et le mode de transmission privilégié par le franchiseur.

Trop souvent, de nouveaux franchiseurs, ainsi que leurs avocats ou notaires, utilisent des modèles de conventions de franchise ou, encore, des exemples de conventions de franchise rédigés pour d’autres aux fins de préparer et de rédiger leur convention de franchise.

En procédant ainsi à la rédaction de leur convention de franchise, il arrive régulièrement que ces franchiseurs contractent des obligations (comme celle de fournir un manuel d’exploitation) qu’ils n’ont pas bien comprises ou qu’ils ne sont pas en mesure de respecter entièrement de la manière stipulée à leur convention de franchise.

De telles situations constituent de beaux cadeaux pour les avocats de franchisés qui souhaitent formuler des reproches à leur franchiseur ou se sortir de leur convention de franchise. Il est très difficile pour un franchiseur d’expliquer à un juge qu’il ne peut, ou qu’il n’entend pas, respecter l’une ou plusieurs des clauses d’un contrat qu’il a lui-même rédigé ou fait rédiger par ses propres conseillers juridiques.

On ne l’écrira jamais assez : Chaque convention de franchise doit être conçue et rédigée « sur mesure » en fonction des caractéristiques et du mode de fonctionnement particulier de chaque réseau de franchises et il est toujours périlleux de tenter d’utiliser un modèle de convention de franchise qui ne reflète pas vraiment son entreprise et son fonctionnement !

Jean H. Gagnon, Ad.E.
Avocat | Médiateur | Arbitre

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