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Ecrit par Jean H. Gagnon, Ad.E.
Avocat | Médiateur | Arbitre

Récemment, Me Benoit Morel, MBA, directeur des affaires juridiques de Franchises Cora  inc. (que je remercie), attirait mon attention sur un intéressant article publié dans le magazine Entrepreneur sous le titre « Why Multi-Unit Franchise Ownership Is Now the Norm » (que vous pouvez lire en cliquant ici) selon lequel la « multi-franchise » représenterait aujourd’hui la norme (ou l’avenue à privilégier) aux fins de l’expansion soutenue à long terme d’un réseau de franchises.

Qu’est-ce qu’une « multi-franchise »?

Il s’agit d’une entente en vertu de laquelle un franchisé (que l’on qualifie alors de « multi-franchisé ») s’engage à ouvrir et à exploiter lui-même (ou par le biais de filiales contrôlées par lui) plusieurs établissements franchisés dans un territoire déterminé.

La multi-franchise se distingue donc de la franchise individuelle par le fait qu’elle vise plusieurs établissements franchisés, plutôt qu’un seul, et de la franchise-maîtresse en ce que, contrairement au franchisé-maître, le multi-franchisé doit ouvrir et exploiter lui-même ses établissements franchisés et n’a donc pas le droit d’octroyer des franchises individuelles dans son territoire.

Selon cet article, les multi-franchisés contrôleraient aujourd’hui 76,5 % des restaurants franchisés et 53 % de l’ensemble des établissements franchisés aux États-Unis.

Effectivement, comme le mentionne bien cet article, la multi-franchise présente quelques avantages certains sur la franchise individuelle.

En développant son réseau par la voie de multi-franchises, le franchiseur se soustrait à l’obligation de reprendre, pour chaque point de vente, tout le processus de recherche et de sélection d’un franchisé, de recherche et de sélection d’un site, de formation, de soutien et de suivi puisque, une fois bien implanté, chaque multi-franchisé prend charge du développement et de l’exploitation des établissements franchisés dans son territoire.

Par la suite, le multi-franchisé est en mesure d’assurer une gestion plus professionnelle et une meilleure coordination des efforts de développement et de marketing dans son territoire puisqu’il est le seul propriétaire de tous les points de vente du réseau qui s’y trouvent.

Également, si un point de vente connait un départ plus lent que prévu ou n’atteint pas ses objectifs financiers, ceci n’aura pas le même impact sur un multi-franchisé (qui peut répartir ce risque sur plusieurs points de vente) que sur un franchisé individuel qui ne possède que ce seul établissement franchisé.

La multi-franchise est-elle donc LA voie à privilégier pour développer un réseau de franchises?

La multi-franchise est, sans l’ombre d’un doute, une avenue de développement à considérer attentivement, surtout pour une expansion dans un nouveau territoire.

Le franchiseur doit cependant être aussi conscient des défis et des risques que pose la multi-franchise.

Au chapitre des défis, (i) il est beaucoup plus difficile, et délicat, de dénicher un multi-franchisé adéquat qu’un franchisé individuel, (ii) les contrats du franchiseur doivent être revus entièrement puisqu’un contrat de multi-franchise doit stipuler des clauses très différentes qu’un contrat de franchise individuelle, (iii) la négociation d’une convention de multi-franchise est généralement beaucoup plus longue, et complexe, que la négociation d’une convention de franchise individuelle, et (iv) une fois le contrat signé, la gestion des relations avec un multi-franchisé est fort différente de la gestion des relations avec un franchisé individuel.

Le franchiseur qui désire utiliser la voie de multi-franchises pour développer son réseau devra donc être prêt à faire face à ces défis.

Quant aux risques, il y en a aussi de très sérieux, dont (i) le risque que le multi-franchisé n’ouvre pas le nombre d’établissements prévus selon l’échéancier convenu (ce qui fait en sorte que la convention de multi-franchise doive comporter des clauses très claires portant sur cet échéancier d’ouverture et sur les conséquences du fait pour le multi-franchisé de ne pas le respecter, surtout lorsque le multi-franchisé détient une exclusivité sur son territoire), (ii) le risque d’un, ou de plusieurs, défauts du multi-franchisé en matière de respect des normes et des règles du franchiseur (ce qui touchera alors plusieurs établissements franchisés à la fois), (iii) le risque découlant du fait qu’un différend, ou un litige, avec un multi-franchisé nécessitera que le franchiseur agisse à l’égard de plusieurs établissements franchisés à la fois, ce qui multipliera les coûts, ainsi que les conséquences possibles, de tout recours.

À cela s’ajoute parfois le fait que le multi-franchisé possède souvent des ressources financières importantes (voire plus importantes que celles du franchiseur), qu’il connaît son marché beaucoup mieux que le franchiseur et que, éventuellement, il pourrait être intéressé à développer son propre réseau plutôt que d’être contraint par les règles d’une convention avec un franchiseur.

En résumé, la multi-franchise est une voie à considérer dans le cadre d’un projet d’expansion d’un réseau de franchises, mais ce n’est pas la seule, ni toujours la meilleure!

Sur un autre plan, comme toutes les autres voies de développement reconnues (succursale corporative, franchise individuelle, agent de développement territorial, franchise maîtresse, coentreprise), la multi-franchise convient bien à certains secteurs d’activité et à certains franchiseurs, mais moins à d’autres.

La méthode de développement retenue par un franchiseur se doit donc, dans tous les cas, être celle qui répond le mieux aux caractéristiques de son secteur d’activités, à ses valeurs, à sa vision, à sa philosophie de gestion, à ses ressources (humaines et financières) et à son mode de gestion.

Il n’y a pas, à proprement parler, de meilleure ou de pire, méthode. La méthode qui convient bien à un franchiseur peut ne pas convenir du tout à un autre, et ce, même dans un même secteur d’activités.

Aussi, les contrats relatifs à ces différentes méthodes de développement sont des documents hautement spécialisés qui doivent être nécessairement rédigés et négociés par des juristes vraiment compétents et expérimentés en cette matière afin de prévoir et de prévenir les problèmes majeurs qui peuvent survenir à défaut de clauses pertinentes, claires et efficaces dans le contrat.

À titre d’exemple, un contrat de multi-franchise devra notamment traiter, parmi bien d’autres sujets, (i) de la possibilité, ou non, pour le multi-franchisé d’exploiter ses points de vente par le biais de filiales et, si oui, des modalités applicables à ce mode de détention, (ii) de la possibilité, ou non, pour le multi-franchisé de s’adjoindre des actionnaires minoritaires pour certains de ses établissements franchisés et, si oui, des modalités applicables à cet actionnariat minoritaire, (iii) des règles relatives au financement du multi-franchisé (lesquelles sont fort différentes de celles applicables à un franchisé individuel), (iv) des droits du multi-franchisé sur son territoire et, le cas échéant, de limitations, de conditions et d’exceptions à ces droits, (v) de l’échéancier de développement des points de vente sur le territoire du multi-franchisé, (vi) de normes quant au nombre de points de vente devant être maintenus en exploitation par le multi-franchisé à divers moments de la durée de con contrat, (viii) des conséquences du non-respect de l’échéancier de développement et des normes de maintien en exploitation, (ix) des conséquences d’un défaut au contrat selon que ce défaut vise un ou plusieurs points de vente, (x) des conséquences de la déconfiture, ou de la fermeture, d’un établissement franchisé, et (xi) des conséquences de la fin du terme, du non-renouvellement ou de la résiliation du contrat de multi-franchise.

Jean H. Gagnon, Ad.E.
Avocat | Médiateur | Arbitre

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