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Par Maître Rémi de BALMANN, Avocat associé – gérant, cabinet D,M&D, département franchise et distribution

Rémi de Balmann est Coordinateur du Collège des Experts de la FFF. Pour en savoir plus, cliquez ICI

Commentant une récente décision de la Cour de cassation dans le cadre d’un conflit opposant un franchiseur à l’un de ses ex-franchisés, l’auteur, avocat, se félicite de la reconnaissance, par les magistrats, des clauses indispensables à la protection du savoir-faire.

A l’heure où – bien légitimement – la loi Macron agite les esprits, il est rassérénant de constater que la Cour de cassation veille à sanctionner comme il se doit la déloyauté post-contractuelle d’un franchisé à qui le franchiseur reprochait la création d’un réseau concurrent.

On sait que, parmi nombre d’autres dispositions disparates, la loi Macron – s’agissant des réseaux de distribution commerciale – a posé le principe que “toute clause ayant pour effet, après l’échéance ou la résiliation d’un des contrats mentionnés à l’article L. 341-1, de restreindre la liberté d’exercice de l’activité commerciale de l’exploitant qui a précédemment souscrit ce contrat est réputée non écrite”.

Seules exceptions à ce principe, les clauses qui – concernant des biens et services en concurrence avec ceux qui font l’objet du contrat – sont limitées dans le temps (un an après l’échéance ou la résiliation du contrat) et dans l’espace (terrains et locaux à partir desquels l’exploitant exerce son activité pendant la durée du contrat) et sont “indispensables à la protection du savoir-faire (…)”.

Un franchiseur a-t-il le droit d’interdire à ses franchisés de créer un réseau concurrent ?

Ce dispositif – qui a fait couler beaucoup d’encre – ayant vocation à s’appliquer à compter du 6 août 2016, qu’en sera-t-il des clauses qui ne se contentent pas d’énoncer une obligation de non concurrence ou de non affiliation post-contractuelle mais vont jusqu’à étendre l’interdiction faite au franchisé propriétaires de plusieurs magasins d’y apposer une enseigne commune voire de “créer un réseau concurrent sur toutes les villes où sont implantés les instituts franchisés (…)” ?

Telle était l’une des questions tranchées par l’arrêt de la chambre commerciale de la Cour de cassation du 19 janvier 2016 (pourvoi n° 14-16272).

En l’espèce, un multi-franchisé de la région nantaise d’un réseau d’instituts de beauté avait rompu par anticipation et brutalement tous ses contrats avec le franchiseur. Pas moins de 7 instituts de beauté sortaient ainsi du réseau et – pour comble – l’ex franchisé adoptait une nouvelle enseigne commune. C’est l’exemple typique de la trahison du “baron” régional.

Outre une condamnation à de lourds dommages et intérêts pour rupture fautive de ses contrats, la Cour d’appel avait fait application de la clause de non création d’un réseau concurrent (Cour d’Appel de Paris, 05/02/14, Pôle 5, chambre 4, RG : 12/18858 – JurisData 2014-001767).

Oui, à certaines conditions, répond la Cour de cassation

A soutien de son recours devant la Cour de Cassation, l’ex-franchisé faisait valoir que “le bénéfice de l’exemption prévue à l’article 5 b) du règlement 2790/1999 en faveur des clauses de non-concurrence post-contractuelles est réservé uniquement à celles, d’une durée d’un an, qui sont limitées aux locaux et aux terrains à partir desquels celui qui l’a souscrite a opéré pendant la durée du contrat et qui sont indispensables à la protection du savoir-faire qui lui a été transféré par son cocontractant ; qu’en déclarant valable la clause interdisant au franchisé de créer un réseau concurrent dans le même domaine, sur toutes les villes où sont implantés les instituts (…), quand une telle clause, pour être valable, aurait dû être limitée aux locaux où la société ‘franchisée exploitait ses instituts, la cour d’appel a violé le texte précité ».

Cependant  et pour la Cour de cassation : “En retenant que la clause litigieuse n’interdisait pas la poursuite de l’activité du franchisé, mais seulement la création d’un réseau concurrent, qu’elle était limitée, dans le temps, à un an et, dans l’espèce, aux villes où les instituts du franchisé étaient exploités, qu’elle était proportionnée à l’intérêt du franchiseur à préserver le réseau existant, la cour d’appel (…) a pu décider que la clause était valable”.

Puisse-t-on voir là un signe que les juges auront de cette fameuse loi Macron une lecture protectrice – par-delà les franchiseurs – des réseaux et dès lors de la franchise elle-même !

Tribune publiée le 11/02/2016 sur le site Franchise Magazine

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