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INTERVIEW

Rémi de BalmannRémi de Balmann

Avocat associé – Gérant du cabinet D, M & D et responsable de son département distribution et franchise. Outre ses activités de conseil et de plaideur, il participe à de nombreuses conférences et colloques et écrit régulièrement des articles sur les réseaux et leur évolution. Ruban de la franchise 2015, il est coordinateur du collège des experts de la Fédération Française de la Franchise.

La loi pour une République numérique a été promulguée le 7 octobre dernier. En quoi cette loi retient-elle votre attention ?

Cette loi constitue tout d’abord une première dans son mode d’élaboration. Elle illustre à cet égard la puissance d’internet et pourrait servir d’exemple précurseur d’une démocratie plus participative. En effet et avant sa présentation en Conseil des ministres, une consultation publique a été lancée en septembre 2015, les citoyens étant invités – au travers d’une plateforme numérique de co-création mise en place à cette fin – à « contribuer, améliorer ou commenter » l’avant-projet de loi pour une République numérique élaboré par le Gouvernement. Selon les termes de la secrétaire d’Etat chargée du numérique, Axelle Lemaire, cette consultation se voulait l’illustration d’une « société numérique (…) innovante, ouverte, libre, fondée sur le partage informations et des savoirs qui créent de la valeur et bénéficient à tous ». Comme devait ultérieurement le souligner l’exposé des motifs du projet de loi déposé sur le bureau de l’Assemblée Nationale le 9 décembre 2015, « cette plateforme ouverte à tous a suscité plus de 8 500 contributions et près de 150 000 votes ».

Quel autre intérêt selon vous de cette loi ?

Dans ses objectifs, cette loi est d’importance, même si dans son avis du 3 décembre 2015, le Conseil d’Etat a « estimé qu’il existait un important décalage entre le contenu du projet de loi et son titre « Pour une République numérique » (et que) l’intitulé « Projet de loi sur les droits des citoyens dans la société numérique » correspondrait plus exactement aux dispositions du projet de loi (…) ». L’on se souvient à cet égard que, dans sa fameuse décision du 10 juin 2009 sur la loi favorisant la diffusion et la protection de la création sur Internet (HADOPI I), le Conseil Constitutionnel – au visa de l’article 11 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 sur le droit à la libre communication des pensées et des opinions – a jugé « qu’en l’état actuel des moyens de communication et eu égard au développement généralisé des services de communication au public en ligne ainsi qu’à l’importance prise par ces services pour la participation à la vie démocratique et l’expression des idées et des opinions, ce droit implique la liberté d’accéder à ces services » (Décision n° 2009-580). Or et comme le soulignait là aussi l’exposé des motifs de ce projet de loi pour une République numérique, il s’agissait de « favoriser la circulation des données et du savoir », d’« œuvrer pour la protection des individus dans la société du numérique » et de « garantir l’accès au numérique pour tous ».

Et en quoi cette loi pourrait-elle avoir un impact pour les enseignes ?

Deux points me paraissent plus spécialement intéressants pour les enseignes. En premier lieu et dans son titre II relatif à « la protection des droits dans la société numérique », cette loi édicte, en son article 48, que « le consommateur dispose en toutes circonstances d’un droit de récupération de l’ensemble de ses données ». La loi ajoutant que « tout service d’un service de communication au public en ligne propose au consommateur une fonctionnalité gratuite permettant la récupération (notamment) de toutes les données résultant de l’utilisation du compte d’utilisateur du consommateur et consultables en ligne par celui-ci, à l’exception de celles ayant fait l’objet d’un enrichissement significatif par le fournisseur en cause.

Ces données sont récupérées dans un standard ouvert, aisément réutilisable et exploitable par un système de traitement automatisé ». Ainsi que l’expliquait l’exposé des motifs du projet de loi, il convenait de « réduire la viscosité du marché en obligeant les prestataires de services numériques majeurs, tels que le courriel et le « cloud computing », à offrir à leurs clients la possibilité de récupérer et transférer leurs données aisément ». A l’égard des consommateurs, il s’agissait de « favoriser la portabilité des données stockées en ligne en instaurant une obligation pour tout fournisseur de service de communication au public en ligne de proposer aux consommateurs une fonctionnalité de récupération des fichiers mis en ligne par le consommateur et des données associées à son compte ». Une véritable révolution en perspective, étant précisé que l’entrée en vigueur de ce dispositif est repoussée à mai 2018, le temps pour les différents acteurs économiques d’être consultés sur les modalités de sa mise en œuvre.

Et le second point d’importance ?

Cette loi entend lutter plus efficacement contre les faux avis d’internautes, ce qui est loin d’être négligeable pour les enseignes. Il est sain en effet de sanctionner la déloyauté consistant à promouvoir son propre site en recourant à des avis positifs n’émanant pas des consommateurs ou à favoriser la diffusion d’avis négatifs sur les sites de concurrents. La loi pour une République numérique comporte donc une série de dispositions visant à renforcer la « loyauté des plates-formes et information des consommateurs ». A l’heure où l’on vante le made in France, félicitons-nous que notre pays soit pionnier en la matière !

En juillet 2013, déjà, la norme AFNOR Z 74-501 était la première au monde à viser à fiabiliser le traitement des avis des consommateurs sur internet, notamment au travers de l’interdiction d’acheter des avis, de l’impossibilité de modifier un avis en ligne, de l’affichage en premier des avis les plus récents de même que l’ensemble des avis, dans leur intégralité. Cette norme pourrait servir de base à une norme internationale dont l’Organisation internationale de normalisation (ISO) a admis le principe et qui est en cours d’élaboration au sein d’un comité technique dont la présidence est assurée par un Français, le rôle d’editor de cette future norme ayant été confié au Président de la Commission de normalisation AFNOR sur la e-réputation.

La loi sur la République numérique s’inscrit dans ce mouvement, son article 52 disposant ainsi que : « Sans préjudice des obligations d’information prévues à l’article 19 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique et aux articles L. 111-7 et L. 111-7-1 du présent code, toute personne physique ou morale dont l’activité consiste, à titre principal ou accessoire, à collecter, à modérer ou à diffuser des avis en ligne provenant de consommateurs est tenue de délivrer aux utilisateurs une information loyale, claire et transparente sur les modalités de publication et de traitement des avis mis en ligne. « Elle précise si ces avis font ou non l’objet d’un contrôle et, si tel est le cas, elle indique les caractéristiques principales du contrôle mis en œuvre. « Elle affiche la date de l’avis et ses éventuelles mises à jour. « Elle indique aux consommateurs dont l’avis en ligne n’a pas été publié les raisons qui justifient son rejet. « Elle met en place une fonctionnalité gratuite qui permet aux responsables des produits ou des services faisant l’objet d’un avis en ligne de lui signaler un doute sur l’authenticité de cet avis, à condition que ce signalement soit motivé ».

Un utile chantier qui s’ouvre pour « faire le ménage » entre vrais et faux avis et renforcer la fiabilité d’informations auxquelles les consommateurs sont loin d’être insensibles !…

Interview publiée sur le site Digitalisations

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